Consommation d’énergie et leviers de sobriété

Consommation d’énergie en France

Si l’électricité est aujourd’hui peu carbonée en France (grâce au nucléaire, à l’hydraulique, à l’éolien et au photovoltaïque), l’énergie consommée est encore à ⅔ fossile. Le gaz représente encore 20% de notre consommation d’énergie (hors électricité), et le pétrole plus de 40%. Le pétrole est essentiellement consommé dans les transports. Et le gaz et l’électricité sont répartis à peu près équitablement entre le résidentiel, le tertiaire, et l’industrie.

Crise énergétique : origines et perspectives

Aujourd’hui la France fait face à une double crise énergétique :

  • L’approvisionnement gazier est fortement réduit à cause des tensions géopolitiques avec la Russie ;
  • Une importante partie des réacteurs nucléaires Français sont à l’arrêt, pour plusieurs raisons prévues (grand carénage, visites décennales, rechargement de combustible) et imprévues (décalage des plannings de maintenance suite au Covid, et problèmes de corrosion sous contrainte).
La situation sur le nucléaire devrait s’améliorer d’ici 2 ans, lorsque le pic de visites décennales sera dépassé. Mais pour ce qui est du gaz, il y a un fort risque que la pénurie soit durable. D’après le rapport du Shift Project sur l’approvisionnement de l’UE en gaz, seule la moitié de notre demande de gaz est sécurisée pour les années qui viennent, et nous sommes en concurrence avec l’Asie (dont la consommation de gaz est en forte croissance) pour nous approvisionner sur le marché du GNL. Il n’y aura pas assez de gaz pour tout le monde, il n’y aura pas de retour à la  « normale » pour le gaz en Europe …

Les enjeux actuels

Pourquoi être sobre ?

Cette pénurie énergétique s’est traduite par une explosion des prix de marché du gaz et de l’électricité. Grâce au bouclier tarifaire, la facture pour les particuliers n’augmentera que de 4% en 2022, et de 15% en 2023. Mais les professionnels (industrie et tertiaires) n’ont pas la chance d’être protégés par le bouclier tarifaire.

Faire preuve de sobriété sur notre consommation de gaz (et à court terme d’électricité) est aujourd’hui souhaitable et nécessaire pour plusieurs raisons :

  • C’est une contrainte physique. Pour des raisons géologiques et géopolitiques, l’approvisionnement de l’UE en gaz ne sera pas suffisant pour satisfaire nos besoins. C’est ce que les Shifters appellent la 2ème contrainte carbone ;
  • C’est un enjeu économique. La consommation d’énergie doit être égale à sa production (au stockage et aux pertes près). Lorsque la demande (consommation souhaitée) est supérieure à l’offre (production possible), une partie de la demande doit être « détruite ». Dans le système libéral actuel, cette destruction de demande est assurée par le marché, par l’intermédiaire du prix (loi de l’offre et de la demande). La pénurie de gaz se traduit ainsi par une explosion de son prix ;
  • C’est un enjeu social. L’explosion des prix de l’énergie touche plus fortement les plus pauvres pour qui il devient impossible de se chauffer décemment. Réduire collectivement notre consommation d’énergie permet de faire baisser les prix de l’énergie et ainsi de préserver les plus démunis ;
  • C’est un enjeu géopolitique. Acheter du gaz à la Russie, c’est financer la guerre de Poutine en Ukraine. Aujourd’hui cet approvisionnement a cessé : la Russie a arrêté de fournir du gaz à la France depuis juin, et les gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont été sabotés en septembre. Mais les puissances étrangères envers lesquelles nous renforçons notre dépendance ne sont pas nécessairement plus recommandables que la Russie ;
  • C’est un enjeu environnemental. La consommation de gaz (et d’électricité lorsqu’elle est produite à partir d’énergies fossiles) émet des gaz à effet de serre responsables du changement climatique (ce que les Shifters appellent la 1ère contrainte carbone), dont les conséquences seront désastreuses.

Gaz, électricité, pétrole : quels enjeux ?

Les enjeux de sobriété ne sont pas les mêmes pour le gaz, l’électricité, et le pétrole.

  • Pour le gaz il faut gérer la pénurie : l’enjeu est de baisser la consommation moyenne.
  • L’électricité consomme du gaz : il faut donc baisser sa consommation moyenne. Mais il y a aussi un second enjeu : assurer à chaque seconde l’équilibre entre la production et la consommation. Lors des périodes de tension (8h-13h et 18h-20h lors des périodes de froid sans vent), il est souhaitable que chacun réduise / efface / décale sa consommation pour limiter le risque de délestage. Pour en savoir plus : https://www.monecowatt.fr/
  • Le pétrole est plus un enjeu économique et géopolitique, il n’y a pas de pénurie à court terme. L’approvisionnement de l’Union Européenne va cependant inévitablement baisser à moyen terme (2030 – 2040), d’après le rapport du Shift Project sur le sujet.

Economies d’énergie possibles d’après négaWatt

L’association négaWatt a réalisé un important travail pour estimer des gisements de sobriété mobilisables dans les secteurs résidentiel et tertiaire, ainsi qu’en matière de transports. Sa proposition de plan de sobriété se décline en 51 mesures permettant d’économiser 185 TWh/an d’ici 2 ans, dont 100 TWh/an dans le résidentiel. Ce travail a notamment été utilisé par Carbone4 pour analyser le plan de sobriété du gouvernement.

Les impacts des mesures de négaWatt concernant le résidentiel sont quantifiés dans les graphes ci-dessous.

On observe que le chauffage est vraiment l’éléphant dans la pièce, que l’eau chaude est le second gros levier d’économie d’énergie, et que le reste des mesures concerne un grand nombre d’écogestes dont l’impact cumulé est du même ordre de grandeur que celui des économies d’eau chaude. Il nous paraît donc prioritaire de concentrer les efforts sur les économies de chauffage et d’eau chaude.

De plus, pour tous les écogestes qui consistent à faire des économies d’électricité, une partie de ces économies est compensée par du chauffage supplémentaire (toute l’électricité consommée dans le logement finit par se convertir en chauffage). Faire ces écogestes en hiver n’est donc pas prioritaire. En été en revanche, et même dès lors que le chauffage est éteint, ces écogestes sont pertinents (et même doublement pertinents si le logement est climatisé).